Éditorial de Février 2023
Partage
Il y a peu de temps notre Église éditait un nouveau petit fascicule, comme elle en a édité de nombreux depuis quelques années sur des sujets aussi divers que : « Lire la Bible », « La fin de vie », « La Création », « L’accueil des migrants », etc. Celui- ci, rédigé par la pasteure Dominique Hernandez, s’intitule « J’ai pas le temps ». En quelques paragraphes, Dominique y traite de notre rapport au temps : « Le temps rempli, le temps vide », « Mais qui a le temps ? », « Discerner pour habiter le temps », « L’irruption, la pause et l’éternité ». Ce n’est pas un hasard si l’EPUdF a édité ce petit fascicule, car il me semble que le temps devient de plus en plus difficile à appréhender dans notre monde où tout va si vite, un monde dans lequel si chaque minute de notre journée n’est pas occupée à « faire » quelque chose, et cela dès le plus jeune âge, un sentiment de vacuité, d’inutilité, voire de culpabilité nous serre la gorge. Alors, je vous invite vraiment « à trouver le temps » de lire ce petit fascicule car il parle de manière très à propos de tout cela. Il est disponible au temple.
Dominique Hernandez, dans la partie « Discerner pour habiter le temps » y écrit : « En nous mettant à l’écoute de Dieu dans la prière, nous discernons comment le temps de Dieu croise notre temps humain et lui donne une autre dimension. » Cela m’a donné envie d’aller voir dans les Écritures ce qui est dit du temps, comment la Bible nous parle de ce concept tellement (seulement ?) humain. Pour cela, je me suis aidé de l’article du professeur E. Trocmé paru dans Vocabulaire biblique, ouvrage collectif sous la direction de J.J. Von Allmen. Allons-y !
Alors que nous faisons volontiers du temps un concept général englobant toutes les notions chronologiques existantes, les auteurs bibliques ne le font jamais. La notion biblique du temps n’est jamais abstraite. Dans la Bible, les chronologies ont un caractère imprécis : l’heure, le jour, l’année, le siècle y sont des grandeurs variables. Beaucoup plus qu’un temps, on y rencontre des temps mal coordonnés et difficilement comparables entre eux.
Le temps de Dieu, c’est l’éternité. Et cette éternité se manifeste d’abord en ce qu’il était et agissait avant : avant l’être humain (Jérémie 1,5), avant le peuple d’Israël, avant toute créature (Psaume 90,2). Il est aussi celui qui sera après toute existence créée. Il est « l’alpha et l’Omega, le commencement et la fin. ». Son temps déborde, encadre, enveloppe tous les autres. Il est « Dieu d’éternité en éternité. » Dieu est celui qui est, qui était et qui vient et son Fils reste le même « hier, aujourd’hui et pour l’éternité » (Hé 13,8). Dieu ne subit pas les atteintes du temps des humains, dont il demeure au contraire le maître absolu (1 Pierre 3,8).
Et, il faut bien le reconnaître, en face de l’éternité de Dieu, les jours de l’être humain sont un temps bien précaire. D’ailleurs, nombreux sont les passages bibliques, comme dans le Psaume 90, qui insistent sur leur caractère fuyant, limité, perpétuellement fragile : « Nos an- nées disparaissent comme un souffle…ce qui en fait l’orgueil n’est que peine et tourment : tout cela passe vite et nous nous envolons. », ou dans Esaïe 40 : « le sort des humains ressemble à celui de l’herbe. » C’est une manière pour l’être humain de subir le châtiment de son péché, qui a suscité la colère de Dieu (Gn 3,22).
Pourtant, Dieu a laissé du temps à l’être humain, qu’il peut organiser comme il lui plait, en mettant chaque chose à sa place dans son existence humaine : « Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux. », nous dit l’Ecclésiaste.
Quant à la fin des temps, elle ne dépend que de la seule volonté de Dieu. Les hommes ne peu- vent pas la prévoir : « Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait…mais le Père seul. » nous dit Jésus dans Matthieu 24, car le jour du Seigneur « viendra comme un voleur. »
Alors ce sera, sur une terre nouvelle, le temps du Royaume de Dieu. C’est-à dire qu’un nouveau temps sera créé par Dieu pour sa nouvelle création.
C’est ce nouveau temps que les auteurs du Nouveau Testament appellent le siècle à venir, qui est opposé au siècle présent,
c’est-à-dire l’époque comprise entre la Création et le Jugement.
Selon le schéma juif, l’opposition entre siècle présent et siècle à venir est très marquée. Le siècle présent est en effet celui de Satan et du péché appelé à disparaître tandis que le siècle à venir est le Royaume de Dieu, qui n’aura pas de fin. Si ce schéma des deux siècles a été accepté par Jésus et les premiers chrétiens, ceux-ci lui ont fait subir une transformation importante. Jésus en effet a établi un lien étroit entre sa propre personne, sa mort et sa résurrection, et la venue du Royaume de Dieu. Sa résurrection suivie du don du Saint-Esprit à ses disciples a donné à ceux-ci la conviction que le règne du Christ, première phase du Royaume de Dieu, avait déjà commencé de façon cachée et que le siècle à venir se trouvait donc mystérieusement réalisé au milieu du siècle présent. Les deux siècles sont ainsi comme mêlés durant la période qui sépare la résurrection du Christ de son retour.
Certes, le siècle présent parait continuer, mais pour qui sait « lire les signes des temps » nous dit Matthieu 16, il est clair qu’en envoyant son Fils et en le ressuscitant, Dieu a inauguré le siècle à venir. La résurrection du Christ marque en effet le début de la résurrection générale nous dit 1 Corinthiens 15 et le don du Saint-Esprit atteste que les derniers jours ont commencé nous dit Actes 2.
Ainsi, la venue de Jésus-Christ dans le mon- de a marqué la fin d’un temps et le commencement d’un autre. L’emploi par une grande partie de l’humanité de l’ère chrétienne constitue la reconnaissance – large- ment inconsciente – de cet état de chose…
Notre vie est donc en perpétuelle tension entre un présent déjà révolu et un avenir déjà présent. C’est bien là, me semble-t-il que « le temps de Dieu croise notre temps humain et lui donne une autre dimension » comme l’écrit la pasteure Dominique Hernandez.
Alors, il nous reste à espérer et à attendre le jour où le siècle à venir s’établira de façon visible, au retour du Christ.
« Dieu a établi pour chaque événement le moment qui convient. Il nous a donné aussi le sens de l’infini» (Ecclésiaste 3.11)
Alain Mahaud